Des promontoires rocheux et des peintres par Marie Stéphan
A la fin du 18e siècle, les côtes bretonnes attirent quelques rares peintres voyageurs. Dans les années 1840, en pleine période romantique, les rochers de ce bout du monde séduisent d’autres peintres. Ils y explorent, dans une vision souvent dramatique, l’exaltation de l’homme face à une nature démesurée. A partir des années 1860, avec l’arrivée du chemin de fer, la Bretagne devient une terre de peintres….. La fascination pour les rochers perdure.
Sur les côtes de la péninsule bretonne…
En cette seconde partie du 19e l’attraction de ce finis terrae est intense…
L’invention récente de la peinture en tubes et des chevalets pliants favorisent les déplacements et les voyages. La mode de la peinture de plein air rend les artistes curieux de nouveaux paysages et de nouveaux horizons. On quitte les ateliers parisiens pour aller peindre en extérieur, «sur le motif». La Bretagne, désenclavée par son chemin de fer récent, apparaît rapidement comme un pays exotique où tout reste à peindre et à explorer. Des centaines de peintres, de toutes nationalités, affluent et se dispersent dans la péninsule armoricaine. Les gazettes évoquent une véritable «celtomania». les sites picturaux se multiplient, de Pont-Aven à Concarneau en passant par Le Pouldu, Camaret, Le Faouët, Pont- Croix, les bords du Trieux, l’Ile de Bréhat, Perros Guirec …pour n’en citer que quelques uns.
Le choix des lieux, intérieur des terres ou bord de mer, détermine le choix des thèmes mais ils sont multiples. Les infinies lumières, la diversité des côtes, la population autochtone qui porte encore le costume, les pardons, les grandes fêtes religieuses ou profanes, la villégiature naissante…. sont autant de séductions pour ces peintres à la recherche de sujets nouveaux.
Les peintres se fidélisent rapidement à une Bretagne attachante. Les artistes viennent une première fois, et y reviennent, souvent, tous les étés d’une vie. Certains y séjournent même l’hiver. Tous prennent leurs habitudes dans les auberges d’un lieu choisi, louent des maisons, en achètent ou en font construire pour les plus fortunés. Ces artistes, qui ne sont pas bretons de sang, deviennent rapidement bretons d’adoption.
L’attraction bretonne est forte et pleine d’âme.
Un sujet captive et débride l’imaginaire depuis l’arrivée des premiers peintres….. Tous vont s’y essayer…..et tous les mouvements de peinture vont s’ y exercer. Ce sujet est celui du rocher. En cette fin du 19e, on note une scrutation attentive et durable de l’élément rocheux…. du Cap Fréhel à Belle Ile en Mer.
En 1886, à Belle Ile, Claude Monet immortalise à tout jamais les Aiguilles de Port Coton. C’est la première démarche sérielle du peintre….. Mais beaucoup d’autres artistes, tout au long des côtes bretonnes, expérimentent aussi ce thème du rocher si difficile et si attractif.
Sur la côte de granit rose…
Ici aussi….. le rocher fascine.
La singularité paysagère du lieu, la particularité géologique de la côte, vont formidablement impacter les œuvres picturales.
Sur cette côte Trégoroise, entre Les7 Iles et le pluton de Ploumanach, les rochers sont dantesques, véritables vigies de granit, créatures géantes et totems majestueux. Ce chaos granitique déjà si âpre à peindre en temps normal, se double d’une gageure extraordinaire pour nos rapins: ici…. il est rose!
Les artistes affluent dans les années 1880 sur cette côte bordée de rochers roses, monumentaux et souvent anthropomorphes . Pas d’école comme à Pont-Aven, mais plutôt des peintres qui se retrouvent sur une même terre d’inspiration, par affinités d’hommes. Ils y reviendront à maintes reprises par affinités pour le lieu. Si les échanges sont nombreux, chacun travaille avec sa propre technique, son propre ressenti, dans ce vaste atelier de plein air aux rochers roses.
Maurice Denis, véritable locomotive, entraîne dans son sillage Georges Hanna Sabbagh, Albert Clouard, Paul Sérusier…..et bien d’autres.
En 1913, Le Fauconnier persuade ses amis Conrad Kickert, Hermann Lismann, Yves Alix, André Favory, Tadeusz Makowski, de venir découvrir Ploumanach.
D’autres, arrivent par les hasards de la vie, Emmanuel Lansyer, Léo Gausson, Jules Emile Zingg, Anders Österlind, Raymond Lefranc,…..
Ils reviendront tous, séduits par ce paysage grandiose, ce décor unique.