La Côte de granit rose, inspiratrice

25 avril 2022

La Côte de granit rose, inspiratrice par Michelle Brieuc

Il y a plusieurs façons de découvrir une région, de la pénétrer et à y succomber. Les guides sont multiples, mais privilégions ces hôtes inattendus dont le talent a su capter la force, le charme et les attraits de la côte de granit rose, dotée d’une forte identité. Au fil du temps, leur mémoire affleure tout au long du littoral. Leur regard d’artistes a conjugué le passé et son histoire pour les fondre dans le présent jusqu’à se figer dans l’éternité. Sous un ciel voué aux caprices d’une météo contrastée, les artistes nous ont légué des vues sur mer ou sur terre, dans une composition stimulée par l’espace littoral. La Bretagne armoricaine, riche de 350kilomètres de côtes, offre un patrimoine maritime fort et varié, duquel se détache la Côte de granit rose. Elle s’étire sur environ dix kilomètres, dans le nord de la Bretagne qui s’appelle le Trégor. Son nom est lié aux rochers tout en granit qui ponctuent subtilement cet itinéraire de curiosités de cette couleur étonnante qui se lie aux formes tout autant étonnantes. Leur gigantisme jaillit naturellement, ici et là, défiant toute logique architecturale, dans un désordre organisé par leur histoire. Perros-Guirec en est le point central.

Pour rencontrer ces artistes tombés sous le charme de ce site atypique dont nous pouvons nous enorgueillir, mettons nos pas dans les leurs afin d’intercepter les reflets changeants des motifs pittoresques et abondants qui les ont tant inspirés. Avoir pour toile de fond un tel patrimoine naturel n’a pu que nourrir la créativité de ces artistes conquis par la Côte de granit rose. Leurs œuvres racontent avec sensibilité les liens qu’ils y ont établis pour nous offrir leurs émotions à fleur de côte. Leur travail est un hymne à la créativité qui renforce le mystère de la Côte de granit rose infiniment variée, ancrée dans son intemporalité.

Les artistes, ci-après cités, ont succombé aux curiosités de la Côte de granit rose. Certains n’ont été que de simples passants, d’autres s’y sont installés durablement. Sur ce terrain d’expérimentation, ils ont laissé libre cours à leurs fantaisies artistiques, comme si la puissance du panorama faisait jaillir librement leur créativité picturale. À nous de conjuguer la multiplicité de leurs regards avec la réalité d’un lieu insolite qui convie à l’émotion de l’inattendu et subjugue les curiosités insatiables.

« Le Beau est là. L’homme regarde, l’homme écoute ; peu à peu, il fait plus que regarder, il voit ; il fait plus qu’écouter, il entend. Le mystère de l’art commence à opérer ; toute œuvre d’art est une bouche de chaleur vitale ; l’homme se sent dilaté ». Victor Hugo (Proses philosophiques).

Yves Alix (19 août 1890 à Fontainebleau - 22 avril 1969 à Paris)

Yves Alix, issu de l’Académie Julian à Paris, rejoint en1909, l’Académie Ranson où enseigne notamment Maurice Denis. Durant les années 1920 et 1930 l’artiste revient à un certain classicisme proche de l’expressionnisme, puis la nature nourrit sa peinture. Très tôt, Yves Alix découvre ses terres de prédilection : en 1918, ce sera la Bretagne et Ploumanac’h.

Ses œuvres : Ploumanac’h, la crique (1914) – Ploumanac’h, le port.

Ses peintures sont conservées dans de nombreux musées de ainsi qu’au musée de Pont-Aven (29).

Jean-Francis Auburtin (2 décembre 1866 à Paris - 22 mai 1930 à Dieppe)

En 1897, Auburtin étudie la faune et la flore sous-marine aux aquariums de Roscoff et de Banyuls. Surnommé le symboliste de la mer, il séjourne en Bretagne, dont à Ploumanac’h, car les rochers et la mer sont ses thèmes de prédilection. Nombre de ses œuvres sont conservées au musée de Pont-Aven.

Ses œuvres : Ploumanac’h

Bernard Buffet (10 juillet 1928 à Paris - 4 octobre 1999 à Tourtour - Var)

Peintre expressionniste, il compose aussi bien des personnages que des figures, animaux, nus, paysages, intérieurs, natures mortes, fleurs. Aquarelliste, il est également un peintre de décors et un illustrateur.

En 1945, il part travailler seul dans la chambre de bonne de l’appartement familial. En vacances à Saint-Cast-le-Guildo(Bretagne), il peint des tableaux de plage et son œuvre trouve aussi sa matière à Ploumanac’h.

Ses œuvres : Ploumanac’h, basse mer (1973)

Charles Camoin (23 septembre 1879 à Marseille - 20 mai 1965 à Paris)

Il découvre la Bretagne en 1927 et il y fera 3 voyages.

Ses œuvres : Voilier à Ploumanac’h (1931)

Jean-Laurent Challié (20 février 1880 à Vesoul - 26 mars 1943 à Paris)

Après sa période post-impressionniste, il se tourne vers le fauvisme qui influenceront ses tableaux de Ploumanac’h. Ensuite, il évolue dans une peinture intimiste où il fait preuve d’une hypersensibilité maîtrisée. Il peint successivement : les bords du Loing, la Bretagne. Il séjourne à maintes reprises à Ploumanac’h entre 1903 et 1914.

Ses œuvres : Le port de Ploumanac’h (1903-1914)

Albert Clouard (3 avril 1866 à Rennes - 29 février 1952 à Trégastel)

Peintre mais aussi poète, il est un ami de Maurice Denis. Il vit entre Paris, Rennes puis dans la grande maison de Kerglaz à Traou-Perros, sur les hauteurs de Trestrignel à partir de 1904. Ensuite il se pose dans sa petite maison de la route de la Petite Corniche.

Durant ses années les plus fécondes, de 1900 à 1910, Maurice Denis l’incite à travailler encore et encore. Il veille sur son œuvre et il sélectionne les tableaux devant figurer dans les expositions.

À partir de 1910, Clouard peint de façon épisodique. Détaché du monde, il garde quelques relations avec Anatole Le Braz et Charles Le Goffic. Devenu aveugle en 1940, il meurt oublié le 29 février 1952, dans sa demeure à Trégastel.

Ses œuvres : La plage rouge – Le port de Ploumanac’h – Le calfatage

Maurice Denis (25 novembre 1870 à Granville- 13 novembre 1943 à Paris).

Peintre des nabis, il est également décorateur, graveur, théoricien et historien de l’art.

Gauguin, dont il est admirateur, influencera son œuvre et il achètera en 1903 l’Autoportrait au Christ jaune(Paris, musée d’Orsay).

À partir de 1898, il aborde le thème des Baigneuses au cours de plusieurs séjours à Perros-Guirecen Bretagne où il achète la villa Silencio. La Bretagne est son port d’attache, car il y passe chaque été de sa jeunesse. Région de prédilection, elle est devenue, au fil de ses séjours, son inspiration artistique.

Ses œuvres : Régates à Perros-Guirec (1892) – Régates à Perros-Guirec jetée ouest (1897) – Marée haute à Trestrignel (1917) – Soir de septembre (1912) – Les jeux au bord de la mer ( 1908) – Notre Dame de la Clarté (1923) – Notre Dame de la Clarté en rouge (1616-1920) – La procession aux porteurs de cierges – La légende de Saint-Guirec (1920) – Les baigneuses, Ploumanac’h – Plage à PerrosGuirec, la plage (1909)

Émile Dezaunay (25 février 1854 à Nantes - 4 juin 1938 à Nantes)

En 1909, revenu à Nantes, il ne quitte plus sa ville que pour quelques courts séjours en Bretagne et en Vendée.

Ses œuvres : Ploumanac’h

Ferdinand Gueldry (21 mai 1858 à Paris - 17 février 1945 à Lausanne)

Artiste peintre et illustrateur français, spécialisé dans les scènes sportives d’aviron, il est le cofondateur de la Société nautique de la Marne en 1876. Il trouve sur la côte bretonne de quoi nourrir ses envies de mer.

Ses œuvres : Falaises entre Perros et Trestraou (1921)

Augustin Hanicotte (22 juillet 1870 à Béthune-11 août 1957 à Narbonne).

Il fréquente les peintres Hanicotte et Matisse avec qui il voyage en Bretagne en 1895 et 1896.

Séduit par la région, il part pour Perros-Guirec, site de villégiature en vogue en compagnie de son épouse.

Ses œuvres : La chapelle de la Clarté (1914)

Yvonne Jean-Haffen (27 octobre 1895 à Paris - Léhon le 24 novembre 1993)

Artiste peintre, elle est aussi dessinatrice, graveuse et céramiste française.

En 1925, elle rencontre Mathurin Méheut dont elle devient l’élève, la collaboratrice et l’amie. Ce dernier lui fait découvrir la Bretagne et, dès l’année suivante, elle s’y rend pour peindre sur le motif.

Yvonne Jean-Haffen achète, en 1937, la propriété de La Grande Vigne, située au bord de la Rance à Dinanqui devient un lieu de repos et le point de départ pour des voyages de travail en Bretagne.

Ses œuvres : Ploumanac’h, les Traouïeros (XXème siècle) – Ploumanac’h, le petit Traouïero (1944)

Conrad Kickert (23 novembre 1882à La Haye - 26 juin 1965 à Paris)

Peinter autodidacte, il s’installe l’été 1913 à Ploumanac‘h dont le paysage le fascine, et il loue une maison face à la baie de Saint Guirec

Ses œuvres : Le village de Ploumanac’h (1913) – Touaneau, Tébeurden (1923)

Emmanuel Lansyer (9 février 1835 à l'Île de Bouin - 21 octobre 1893 à Paris)

Le pittoresque des lieux n’échappe pas au regard d’Emmanuel Lansyer qui insiste sur le gigantisme des rochers qui surgissent sur la Côte de granit rose.

Ses œuvres : PerrosGuirec (1873

Henri Lefauconnier (5 juillet 1881 à Hesdin - 25 décembre 1946 à Paris)

Dès son installation en 1907àPloumanac’h, l’artiste est séduit par les curiosités d’une nature à nulle autre pareille. Il peint les paysages rocheux qu’il expose au Salon d’automne en 1908 et 1909.

Oublié de tous, Le Fauconnier meurt à Paris en 1946 d’une crise cardiaque, rue Hallé, où son corps n’a été retrouvé que deux semaines plus tard.

Ses œuvres : Ploumanac’h (1908)

Raymond Lefranc (né en 1862 – date de décès ignorée)

Il crée au début du XXème siècle « Le syndicat artistique de protection des sites pittoresques de Ploumanac’h » avec Charles Barré, Albert Clouard et Prosper Limbourg, première association en France, pour la protection de la nature. Il s’installe à Perros en 1895, où il construit, en granit, vers 1903 la Villa Rochefontaine, entre Perros et la Clarté, qu’il vendra en 1916.Il installe son atelier éclairé par une large baie à l’étage.

La mairie de Trégastel possède un tableau de Raymond Lefranc exposé dans la salle des conseils : La côte vue de Keraliès, toile datée 1910. Elle a été offerte à la mairie en 1951 par Madame de Liancourt, propriétaire alors de Rochefontaine.

Sa peinture moderne, abstraite, mêlant expressionnisme et figuratif est composée de corps, d’émotions, de mouvements

Ses œuvres : La lande à Ploumanach – Vachères à Kéraliès (entre 1895 et 1916) – La côte vue de Keraliès (1910) – Enfants près du penty à la Clarté (1911).

Mathurin Méheut (21 mai 1882 à Lamballe – 22 février 1958 à Paris)

Après avoir été en apprentissage à Lamballe en tant que peintre en bâtiment, il entre à l’École régionale des beaux-arts de Rennes.

De 1910 à 1912, il séjourne et travaille à la station biologique de Roscoff, où il peut observer et dessiner le milieu marin dans un contexte scientifique. C’est là qu’il crée les bases de l’ouvrage Étude de la mer 1913-1914.

Passionné par les hommes et les paysages de la Bretagne, il sillonne sa région natale et produira un abondant témoignage précis de la vie bretonne. Ilva s’imposer comme le peintre de la Bretagne en présentant une dizaine de panneaux décoratifs sur la vie en Bretagne.

Il a été nommé peintre officiel de la marine en 1921.

Ses œuvres : Ploumanac’h, rochers granitiques (1942-1946)

Pierre-Eugène Montézin (16 octobre 1874 à Paris- 10 juillet 1946 à Moëlan-sur-Mer)

Peintre post-impressionniste, il a été influencé par Claude Monet.

À 17 ans, il travaille dans la décoration de panneaux à fleurs et ornements originaux. Il fait également de la peinture à l’huile et abandonne la décoration pour devenir uniquement peintre, en particulier peintre de paysages.

Il meurt subitement à 71 ans, le 10 juillet 1946, au cours d’un séjour de travail en Bretagne. On le retrouve sur le côté d’une route accompagné d’une boîte de peinture et de quelques toiles.

Ses œuvres : La pointe du Bihit (1913)

Anders Osterlind (19 juin 1887 à Lépaud en Creuse - 5 janvier 1960 à Paris)

Ses études primaires se déroulent au gré des nombreux déplacements de sa famille, notamment dans les écoles de Bretagne. Dans le cercle des amis de ses parents, il rencontre en Bretagne le philosophe Ernest Renan, le critique d’art Armand Dayot, Charles Le Goffic, les poètes Edmond Haraucourt et Max Jacob.

À la recherche de la lumière, de l’émotion, il parcourt de nombreuses régions de France et puise son inspiration en Bretagne du Nord notamment à Ploumanac’h.

À sa mort, il laisse un œuvre riche de plus de 2 000 toiles, dont certaines sont conservées dans des musées en France et à l’étranger.

Ses œuvres : La chapelle de la Clarté (1914-1916) – Maisons dans un paysage de Bretagne

Georges-Louis Poilleux Saint-Ange (20 juin 1853 à Paris - 20 juillet 1911 à Rothéneuf)

Il fut membre de l’École française, Poilleux Saint-Ange s’oriente vers la peinture militaire, la peinture d’histoire ainsi que quelques scènes religieuses. Certaines de ces œuvres sont conservées par le musée du Louvre et un grand nombre d’autres sont actuellement propriété de l’État.

Poilleux Saint-Ange fut présent aux Salon de peinture et de sculpture de 1879 à 1901.

Ses œuvres : Translation des ossements de l’ossuaire de Trégastel (1895)

Henri Rivière (1864 à Paris - 1951 à Sucy-en-Brie)

De 1885 à 1895, il séjourne tous les étés à Saint-Briac-sur-Mer, tout en parcourant d’autres lieux en Bretagne. Toujours fasciné par la mer, il pose son chevalet à Perros-Guirec.

Il se marie en 1895 avec Eugénie Ley et le couple fait construire une maison à Loguivy-de-la-Mer à l’embouchure du Trieux, et c’est là que se passent désormais les étés jusqu’en 1913.

Ses œuvres : L’église et le cimetière de Perros-Guirec (1891) – Notre Dame de la Clarté (1891)

Georges Sabbagh (18 août 1887 à Alexandrie- 9 décembre1951 à Paris)

En 1910, il suit les cours de l’Académie Ranson où il a pour maîtres Maurice Denis, Paul Sérusier et Félix Vallotton. Le 3 janvier 1916, il épouse à Paris Agnès Humbert, fille du sénateur Charles Humbert, avec qui il aura 2 fils : Jean Sabbagh, qui deviendra contre-amiral de la Marine nationale, et Pierre Sabbagh, le futur homme de télévision.

Il peint à Perros-Guirecoù il séjourne l’été, et devient coutumier des lieux de 1916 à 1936 et fait construire une maison Djeser Ka Ra en 1933 à Ploumanac’h.

En 1920 et 1921, ses portraits Les Sabbagh à La Clarté, Les Sabbagh à Paris et un nu, Le nu à la fourrure, sont les pôles d’attraction du Salon d’automne et du Salon des indépendants.

En 1933, Georges Sabbagh est nommé président de la section peinture du Salon d’automne.

Il meurt subitement à l’âge de 64 ans en son domicile parisien.

Ses œuvres : Les meules d’ajonc de Perros-Guirec (XXème siècle) – Les barques de Perros (19198) – Au large des îles (1934) – Le moulin à mer de Ploumanac’h (1928) – Synthèse de Ploumanac’h (1920)

Félix Valloton (28 décembre 1865 à Lausanne 29 décembre 1925 à Neuilly-sur-Seine)

Le charme de la Bretagne le mena à Ploumanac’h, là où il puisa son inspiration maritime.

Ses œuvres : Ploumanac’h, les rochers nus (1917)

Jules-Émile Zingg (25 août 1882 à Montbéliard– 4 mai 1942 à Paris)

Peintre décorateur il est aussi graveur.

Jules-Émile Zingg expose à la Galerie Druet à Paris en 1918. Il fait la connaissance de Maurice Denis et de Paul Sérusier à Perros-Guirec.

Ses œuvres : Moisson au bord de l’eau (1917) – La plage de Perros-Guirec (XXème siècle) – Moisson à la Clarté (XXème siècle)