La Côte de Granit Rose : un territoire singulier et fragile Volet : Urbanisme-Mobilité-Architecture par Françoise Le Put le 31/01/2022
Données d’entrée | Périmètre : une côte diversifiée de 26 km Une géographie côtière découpée et un paysage de bocage originellement de cultures (agricole, sel, etc …) Des lois environnementales pour la préservation : Loi du Littoral (1986); Natura 2000 (Loi européenne 1994-2007-2010) ; Loi Elan (2020); Densité de la construction : faible (en moyenne de 3,5 logements/ha) Typologie de la construction : 84% du parc de logements est de la maison individuelle, taux de résidences secondaires élevé (37% à Perros ; 38% à Trébeurden ; 34% à Pleumeur-Bodou) avec une vacance moyenne de 9 sur 12 mois ; Pression foncière : forte sur la maison secondaire et de fait la maison principale ; Mobilité : 90% des habitations sont à moins de 5km de la côte et des plages ; déplacements presque exclusivement en voiture particulière (avec impact sur le trafic routier notamment en période estivale); transports en commun faible ; pratique des modes actifs (essentiellement cyclotourisme et randonnées) |
Comment le territoire de la Côte de Granit Rose est soumis aux évolutions ?
- La Côte de Granit Rose : un paysage mouvant à intégrer
- une géographie côtière (y compris ses iles et Presqu’iles) soumise aux éléments marins ;
- ses ports (activités de pêche axé sur le loisir)
- un bocage d’origine agricole, reflets des activités d’antan dont les ressources (biodiversité et activités) sont à valoriser ;
- une organisation du territoire à maitriser et un patrimoine (naturel et bâti) à préserver :
- les documents d’urbanisme opposables
- une constructibilité importante
- le développement du tourisme balnéaire;
- le mitage du territoire
- un patrimoine historique à préserver
- les bourgs, issues de l’activité (religieuse) des hameaux
- un patrimoine d’usage : sociologique ; agricole et marin (lavoirs etc …)
- une mobilité de plus en plus accrue
- des infrastructures routières prédominantes à calibrer
- des modes actifs à développer;
1. Un paysage côtier mouvant passé et à avenir
Que serait la côte de Granit Rose sans l’immensité de la mer qui la borde ? Celle qui l’a façonnée au fil des siècles : les îles sont des devenues presqu’iles ; des iles sont devenues ilots voire des rochers….et ce paysage, cette côte sont mouvants.
D’ailleurs la montée du niveau de la mer prévoit en 2050, une montée des eaux significative, progressive (source GIEC : Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), qui viendra façonnée et modifiée encore et toujours la géométrie de la côte de Granit Rose.
Cette mouvance du périmètre côtier est à intégrer pour rester prudents sur la conquête (en matière de développement urbanistique, de construction etc ..) d’un territoire.
Soyons modestes dans les actions à mener pour la préservation d’une image d’aujourd’hui qui pourrait être bafouée par la nature demain.
Aussi, il s’agit ici de relever les valeurs et les caractéristiques physiques de notre territoire pour mettre en valeur ses qualités paysagères, urbanistiques et constructives qui le caractérisent.
Le paysage fragile de la Côte de Granit Rose, composé de tourbières, de champs bordés, de talus, de landes sont de plus en plus marqués par des stigmates précurseurs d’érosion.
- Les ports et ses phares : un enjeu du patrimoine et de l’organisation maritime face au territoire côtier
Les ports et les phares qui balisent le parcours (Triagoz en 1864 ; Phare de l’îles aux Moines de 1835 ou le Mean Ruz de Ploumanac’h) sont autant de repères qui jalonnent le parcours du promeneur du GR34.
Les ports, au nombre d’une dizaine, jouent un rôle important dans l’organisation du territoire de la côte de Granit Rose ; en tant que polarités (fleuron de l’apogée de l’économie maritime au 19ième siècle comme par exemple, la sardine sur la pointe de Bihit à Trébeurden) et en tant qu’enjeu économique potentiel aujourd’hui, axé sur la plaisance ou la pêche à pied de loisirs; les ports servent essentiellement l’activité de plaisance, la pêche professionnelle étant de plus en plus marginale et trop peu valorisée pour soulever une économie locale.
Les activités s’appuient sur plusieurs sites littoraux qui sont implantées durablement (site de Landrellec) (aquaculture, biotechnologies marines, pêche à pied et en mer, etc.).
Le territoire reste dépourvu de criée et d’atelier de transformation, équipements qui pourraient devenir utiles selon l’évolution des productions locales, dans le respect de la ressource et des capacités de développement local.
Les activités nautiques organisées autour de 4 écoles de voiles collectives ou individuelles s’accroissent ces dernières années.
- Ilots, iles et presqu’iles : des morceaux de terre dans la mer à valoriser
La Côte de Granit Rose n’a aucune valeur sans son horizon vers la mer et ses ilots parsemés : c’est un dialogue permanent terre-mer.
L’île Milliau (Circuit de 3,5 km) est un petit massif granitique d’une longueur de seulement un kilomètre et d’une superficie de 23 hectares, l’île est caractéristique par la variété de ses paysages ; sa gestion est confiée au Conservatoire du Littoral.
Située au cœur d’un chapelet d’îlots, l’île Grande (Circuit de 7,5 km) est reliée à la côte par un petit pont. Le sentier revêt différentes ambiances, plages de sable et galets, dunes, marais, port. L’île est devenue un lieu symbolique de la protection des oiseaux marins avec sa station ornithologique dont l’intérêt écologique n’est plus à démontrer.
La presqu’île de Landrellec : un patrimoine naturel encore sauvage à préserver
De son petit port de pêche historique au tourisme familial marqué par une tradition du camping simple en bordure de plage, elle subit depuis quelques années une pression immobilière importante non maitrisée malgré un cadre défini : la loi du Littoral avait déjà fait dans les années 90, reculer les velléités de conquérir les bords de mer, en imposant une bande des 100m non constructible ; les maisons existantes ont été au fil des années rénovées voire agrandies dans le respect du paysage sauvage qui caractérise la presqu’ile de Landrellec : les landes de Bringuiller, ses pins et ses grèves de plages de sable fin qui offre un panorama exceptionnel de l’ile Grande à Trégastel : le corbeau, l’Ile plate, l’Ile Jaouen, …Une faune et flore reconnues en 1994 par le dispositif européen Natura 2000.
Dans les années 70-80-90, la presqu’ile de Landrellec vivait autour de ses 3 camping de côte, ses deux hôtels (qui ont fermés ou été transformés en appartements pour répondre au tourisme d’hébergement d’aujourd’hui), son épicerie saisonnière, ses deux bars, son port de pêche et la colonie de vacances (des « guingampais ») qui voyaient durant deux mois d’été son activité en essor, la chapelle attenante était fréquentée durant l’année par ses habitants (avec son pardon annuel).
En 1994, l’activité pêche s’est développée avec la mytiliculture.
Un tourisme de randonnées (GR34), a trouvé son attractivité.
La reconversion du site de l’ancienne colonie de vacances des « guingampais » et son pendant en face, en lotissement peu qualitatif, ont modifié fondamentalement la morphologie paysagère de la presqu’île: maisons hors échelle ;
Cette évolution de cette façon d’habiter a donné un accord tacite pour bafouer le paysage dans lequel il s’inscrit.
La petite presqu’île de Renote (Circuit de 5,5 km) est un espace naturel protégé et préservé qui abrite de nombreux chaos granitiques, spectaculaires par leurs formes à l’image de l’archipel des Sept îles, à l’horizon.
Rouzic, Malban, Les Costans, Bono, l’Île aux Moines, l’Île Plate et Le Cerf constituent l’archipel des Sept-Îles. Cet ensemble d’îlots rocheux est un site naturel protégé depuis 1912 à l’initiative de la LPO et classé Réserve Naturelle depuis 1976 par le Ministère de l’Environnement.
EXEMPLES D’ACTIONS A MENER : Ø cartographier la géographie du rivage pour marquer les évolutions et l’érosion de la côte voire la montée des eaux ; Ø reconsidérer les activités maritimes comme valeurs économiques locales : la pêche, la sylviculture, les activités nautiques, les activités de randonnées côtières ; Ø mobiliser les acteurs publics (4 communes) pour faire respecter le cadre règlementaire du Littoral ; biodiversité ; gestion règlementaire de l’urbanisation, etc … |
2. Une organisation du territoire à maitriser et un patrimoine naturel et bâti à préserver :
- les documents opposables d’urbanisme règlementaire
- une constructibilité toujours plus importante
- le développement du tourisme balnéaire;
- le mitage du bocage
- La tendance actuelle : mettre en valeur les centralités bourgs
- Une Architecture locale à préserver et à valoriser
- La typologie de villas de qualité à retrouver
- une typologie de maisons marqués par les activités principales : agricole et balnéaire
EXEMPLES D’ACTIONS A MENER : Ø Inventorier sur la 4 communes les valeurs patrimoniales historiques et valeurs d’usage en étudiant les potentiels de valorisation (exemple de l’étude 2021 de la ville de Perros-Guirec) : monuments mais aussi lavoirs, etc … ; Ø Définir des préconisations d’aménagement et des références architecturales pour les particuliers : abords du domaine public (clôtures ; dés imperméabilisassions, etc …) et les interdits (destruction des talus) ; valorisation du bocage ; Ø Sensibiliser les constructeurs (lotissements et autres) aux valeurs des matériaux locaux et à la modénature architecturale traditionnelle, pour mieux intégrer les nouvelles constructions ; Ø Trouver un bon compromis dans la dualité entre préservation des sites et développement ; |
3. Une mobilité à redéfinir en donnant des priorités
Habiter implique de la mobilité particulièrement sur les 4 communes, exclusivement desservies par des axes routiers et donc majoritairement par la voiture individuelle.
- Un développement du transport
Toujours au 19ième siècle, la ligne ferroviaire Paris-Brest est inaugurée en 1865, complétée par un barreau entre Lannion et Plouaret en 1881 pour accompagner le développement du tourisme sur le littoral vers la station balnéaire de Perros-Guirec qui bénéficiait d’une desserte ferroviaire. Son démantèlement à partir du 1950 fera place au développement des cars et de l’automobile.
L’organisation du territoire s’est donc développée autour d’axes routiers, de plus en plus importants avec un maillage de voiries dominant.
La route de « la corniche » a été aménagée en 1919 et 1933 pour répondre au développement balnéaire et entraine dans son sillon de nouvelles constructions sur son littoral.
- Aujourd’hui, une pression de la mobilité automobile
L’essor du tourisme avec les pics saisonniers met à mal le trafic routier : l’offre d’hébergement touristique est élevée de 938 places pour 1000 habitants (2 fois plus élevé qu’à l’échelle régionale) ; ce qui induit un impact sur le trafic routier en période estivale, mais aussi sur le stationnement.
L’infrastructure routière est à calibrer par la gestion différenciée des voieries et la gestion des stationnements : la corniche comme axe principale touristique ; des aires de stationnements à limiter ;
Une circulation apaisée est à favoriser : la zone 20 est à généraliser dans les centre-bourgs et quartiers.
- La marche et le vélo : des modes actifs à valoriser
« CAP 2040 » dans l’objectif 32 favoriser les mobilités « décarbonées » prône une valorisation des mobilités actives vélo et piéton.
L’intermodalité : avec le développement du vélo est un formidable atout de développement des mobilités : sur les grands axes (corniche départementale) en pistes cyclables dédiées (site propre) ; dans les quartiers d’habitations en voirie partagée (participe au ralentissement de la vitesse automobile).
Le GR34 (2000km), ou sentiers des douaniers: servitudes de passage des piétons sur le Littoral : à valoriser dans le PLUHi avec les servitudes de passages qui sont liés pour éviter la tendance à privatiser les rivages.
EXEMPLES D’ACTIONS A MENER Ø hiérarchiser les voieries suivant leur fonction et éviter l’élargissement systématique des routes (maintien des fossés pour l’écoulement de l’eau pluviale et : la corniche comme axes routiers ; les dessertes de quartiers (avec une largeur de routes adaptée) ; Ø développer la mobilité en vélo : sur les grands axes des pistes dédiées (départementale ; zone 20 dans les quartiers d’habitation ) ; Ø préserver le GR34 avec les servitudes de passages |
Conclusion : actions à mener
La mobilisation des décideurs et acteurs locaux avec une culturation des valeurs paysagères, urbanistiques et architecturales, sociologiques de la coté de Granit rose reste de mise pour maitriser le développement et la préservation du littoral et du patrimoine de la Côte de Granit Rose :
- respecter les éléments structurants caractéristiques du paysage (landes, tourbières, talus) en les rendant opposables par les lois existantes et en les retranscrivant dans les documents d’urbanisme locaux : le Schéma LTC 2040 (objectif 30) doit décliner sous forme de prescriptions restrictives dans les PluiH communaux ;
- La loi du littoral a eu ses effets positifs dans les années 1990 et jusque les années 2000 sur les volets de la préservation de l’environnement, l’innovation et la pérennité d’une économie aquatique et terrestre adaptée aux milieux (agriculture, sylviculture, artisanat, tourisme, etc …) : A Landrellec, par exemple, elle a fait reculer les zones de camping qui s’appropriaient les bords de mer et a réintroduit le pâturage à Bringuiller ;
- Natura 2000 a permis d’élargir le spectre de l’action publique (dans un cadre européen) sur les domaines patrimoniaux, la faune et la flore exceptionnelle ;
Ces dispositifs ne sont pas suffisants pour éviter les transgressions.