Extension de la Réserve Naturelle Nationale des Sept-Îles

25 avril 2022

Dossier d’extension de la Réserve Naturelle Nationale des Sept-Îles (Perros-Guirec, Côtes d’Armor) par Pascal Provost, Mars 2021.

Périmètre d’extension avec la toponymie maritime, portant la surface de la RNN des Sept – Iles à plus de 15 000 hect ares . © Bathymétrie- Ifremer.

 

Les pages suivantes résument les principaux enjeux présent s dans le périmètre d’extension de la Réserve Naturelle Nationale (RNN) des Sept – Iles et la plupart des réponses réglementaires pour le maintien en bon état de conservation de la biodiversité. La justification du périmètre se retrouve en chapitre IV.

Principaux enjeux présents dans le périmètre d’extension de la RNN des Sept-Iles et mesures réglementaires.

1.

Périmètre au large avec gradient bathymétrique du niveau 0 jusqu’à 80 mètres de fond et des îles culminant à 60 mètres. Périmètre bénéficiant de la circulation des courants résiduels orientés du sud-ouest au nord-est (transport des nutriments et flux larvaires, planctons et matières organiques des habitats côtiers dont l’éco-complexe baie de Lannion et baie de Morlaix). L’addition d’un marnage important de 11 mètres avec des courants forts, des eaux non stratifiées fraiches et claires au large, est propice à la stabilité de la vie marine et est une barrière naturelle face à la remontée des espèces liées à l’augmentation de température des eaux de surface (changement climatique).

La diversité et la variabilité génétique des habitats et espèces sont importantes à l’échelle du périmètre classé et plus largement pour la Bretagne nord. De même, la réserve contribue au maintien de la connectivité entre populations (habitats et espèces) pour la Bretagne nord.

L’extension représente 24% du périmètre Natura 2000 en mer Côte de Granit Rose – Sept-Ïles.

2.

Grande richesse ichtyofaune mise à jour pour la région du « grand Trégor » (160 taxons) dont 37 inscrites dans la liste des espèces déterminantes de Bretagne (plusieurs espèces de raies, dorades, lançons, mulets…). Des espèces benthodémersales dont certaines, régulières au sein des plateaux en mer avec l’alternance des fonds rocheux à forêts de laminaires et substrats sableux et qui figurent dans le bol alimentaire des oiseaux marins et des phoques gris (tacaud, congre, vieille, lançons…). Les poissons pélagiques sont diversifiés et également fréquents dans le régime alimentaire de la mégafaune (sardine, maquereaux…).

La mosaïque d’habitats et les caractéristiques de la colonne d’eau qui composent le Trégor est à l’origine de la richesse ichtyologique et de la richesse en crustacés. L’extension du périmètre contribuera à la conservation à long terme de cette faunedont dépendent de nombreuses activités socio-économiques. Plusieurs programmes scientifiques contribueront à l’évaluation de la fonctionnalité des espèces.

La déprédation de la lotte par le phoque gris (conflit avec les fileyeurs grande maille) est un phénomène bien décrit et plus fréquent en marge du périmètre. Il s’agit d’un enjeu majeur que de poursuivre les évaluations en lien étroit avec le Comité Départemental des Pêches Maritimes et des Élevages Marins des Côtes d’Armor et la communauté des pêcheurs professionnels.

3.

Le périmètre de la réserve couvre une surface importante en forêt de laminaire (2300 hectares soit 5,8 % de la surface de rang national), habitat très structurant pour l’écosystème marin du Trégor. D’autres habitats à enjeux dans le périmètre : champs de gorgones, prairies d’algues rouges, champs de blocs, herbiers de zostère marine et banc de maërl. Les galets et cailloutis occupent une grande surface et leur rôle fonctionnel sera à évaluer.

L’impact de l’activité de pêche professionnelle a été évalué sur les habitats d’intérêt communautaire. La drague à coquille Saint-Jacques est interdite sur les bancs de maërls du site Natura 2000 Côte de Granit Rose-Sept-Iles et les autres évaluations confirment l’absence de pression néfaste au maintien du bon état de conservation des habitats. L’activité goémonière sur les laminaires, non observée depuis une dizaine d’années peut être pratiquée avec une démarche d’évaluation et une gestion durable de la ressource. L’augmentation de température semble déjà avoir amorcé une modification du ratio entre les laminaires d’affinité nordique et celles d’affinité méridionale, depuis 15 ans.

Les plateaux des Sept-Iles et des Triagoz sont d’importants foyers de biodiversité (> 1000 espèces inventoriées) et concentrent à eux seuls plus de 10 % des espèces benthiques déterminantes (rares, ingénieurs, en limites d’aire…) pour la Bretagne (120 espèces sur le plateau des Sept-Iles et 30 espèces sur le plateau des Triagoz : cnidaires, spongiaires, echinodermes, algues…). Peu d’espèces marines exogènes sont présentes mais un système de veille est en place.

Cette biodiversité est essentielle au bon fonctionnement de l’écosystème marin du Trégor et contribuera au maintien des activités durables du Trégor qui se concentrent en marge et au sud de la réserve (activités récréatives : plongée, apnée, pêche, paddle, kayak…).

4.

Au sein de la région du « grand Trégor » entre les îles de Batz et de Bréhat, l’archipel des Sept-Iles concentre la plus importante communauté d’oiseaux de mer de France métropolitaine avec 11 espèces régulières nicheuses et 25 000 couples. Ce site a une responsabilité forte pour 6 espèces nicheuses (macareux moine, pingouin torda, guillemot de Troïl, puffin des anglais, fulmar boréal, fou de Bassan) et une responsabilité majeure pour le stationnement du puffin des Baléares. Cette dernière espèce est en transit régulier au nord des plateaux des Sept-Iles et probablement aussi au niveau du plateau des Triagoz, essentiellement en juillet (jusqu’à 5 % à 7,5 % de l’effectif mondial en 2017).

A elle seule, l’île Rouzic accueille toutes les espèces et 86% de l’effectif de l’archipel. Une zone de quiétude accolée à l’île d’une surface de 130 hectares ou 1,3 km² (0,8 % de la surface du périmètre) est proposée dans le périmètre d’extension pour assurer l’activité de confort des fous de Bassan et de toute la communauté d’oiseaux marins (évaluation prometteuse durant le printemps 2020) durant 5 mois (1er avril au 31 août).

Toute cette communauté présente au moins 1 % de l’effectif de France métropolitaine, 4 espèces avec plus de 75 % (fou de Bassan, macareux moine, puffin des anglais,pingouin torda), 7 espèces entre 1 et 17 % (guillemot de Troïl, fulmar boréal, océanite tempête, cormoran huppé, goélands argenté, brun et marin).

L’intégration de l’île Tomé (32 hectares) située dans la baie de Perros-Guirec double quasiment la surface terrestre insulaire de la réserve. Cette île toujours occupée par une espèce exogène (vison d’Amérique) comptabilise 11 fois moins d’oiseaux marins nicheurs qu’en 2004. Mais en raison d’un programme d’éradication en cours du vison d’Amérique et des potentialités d’accueil du site pour l’avifaune marine, cette île est un atout majeur de la future réserve marine.

Le périmètre total enregistre de 6,3 à 7,9 % de la population nationale d’huitrier-pie en nidification.

Avec une approche par modélisation, nous avons estimé que 6 espèces d’oiseaux marins nicheurs aux Sept-Iles ont plus de 1 % de leur aire d’alimentation théorique dans le périmètre de la réserve naturelle. Les 3 espèces d’alcidés nicheurs (pingouin torda, macareux moine et guillemot de Troïl) ont entre 1,3 % et 3,8 % de leur aire d’alimentation et le cormoran huppé, 21 %. Mais une réévaluation basée sur des données réelles et sur un site proche aux Sept-Iles (Cap Fréhel/22), porte à 19,5 % l’aire d’alimentation du guillemot de Troïl contre 1,31 % en modélisation, au sein du périmètre de la réserve. Le périmètre est probablement significatif pour la fonctionnalité de plusieurs espèces et des études pourront le confirmer.

Plusieurs mesures favorables à l’avifaune marine et aux mammifères marins sur l’ensemble de la réserve : interdiction de certaines activités nautiques (scooter des mers, ski nautique et tout autre engin tracté) et d’activités industrielles, encadrement des activités de découverte, décalage de l’ouverture de la plage de l’île Bono à partir de la fin de période de nidification, estrans autorisés uniquement pour la pêche à pied, plafond de survol à 300 mètres…).

Un volume de navigation par ailleurs modeste qui incite au maintien d’un équilibre vertueux qui sera évalué à l’échelle du site.

L’activité touristique du Trégor tire de nombreux bénéfices directs ou indirects de la préservation du patrimoine naturel marin et notamment de l’avifaune marine (plusieurs centaines de millions d’euros).

Les interactions avec les métiers de pêche (filets et hameçons) seront à surveiller, notamment dans le cadre d’une future analyse risque pêche portée à l’échelle du site Natura 2000.

5.

Une espèce de pinnipède et deux espèces de cétacés se reproduisent ou fréquentent assidûment l’environnement marin du Trégor.

70 % des naissances de phoque gris de France métropolitaine et en moyenne, 70 individus par comptage à l’année au sein des reposoirs (plateau des Sept-Iles et des Triagoz). Le périmètre d’extension intègre le plateau des Triagoz qui constitue un reposoir important pour la colonie de phoques gris du Trégor. La colonie au sein de la réserve regroupe 4 % (juillet-août) à 18 % (mars) de la population de rang national.

Le régime alimentaire de l’espèce est opportuniste avec plus de 20 espèces-proies, quelques espèces : congre, tacaud, vieille, orphie composent en biomasse, l’essentiel du bol alimentaire de l’espèce et sont présentes au sein des plateaux en mer recouverts de forêts de laminaires.

Le périmètre de la réserve se situe au coeur de la région du Trégor avec une moyenne de 70 observations opportunistes annuelles depuis 2015 de 5 espèces de petits cétacés (39% de marsouin commun, 34 % de dauphin commun et 15 % de dauphin de Risso). Présence annuelle d’une petite population de marsouin avec une occurrence plus élevée depuis 2015 le long de la côte de Ploumanac’h. Les cétacés semblent fréquenter de manière plus régulière/importante les eaux du Trégor depuis 1980, suggérant ainsi une importance accrue de la zone pour ces espèces.

Les interactions avec les métiers de pêche (filets et hameçons) seront à surveiller, notamment dans le cadre d’une future analyse risque pêche portée à l’échelle du site Natura 2000.

6.

13 habitats terrestres aux Sept-Iles et sur l’île Tomé inventoriés dans la typologie Corine Biotope, tous étant identifiés au titre de la Stratégie de Création des Aires Protégée.
Des îles d’une importante naturalité, presqu’exemptes d’espèces exogènes (espèces végétales, éradication des rats surmulots de 1951 à 2002, programme d’éradicationdu vison d’Amérique en cours).

Présence de 2 uniques espèces patrimoniales de mammifères terrestres (musaraignes) aux Sept-Iles et à Tomé.

Valeur paysagère exceptionnelle des plateaux en mer avec les îles et îlots en face de la Côte de Granit-Rose (île Tomé au coeur de la baie de Perros-Guirec, phare des Triagoz ; l’archipel des Sept-Iles…).