Côte de granite Rose

Les granites du site naturel de la côte de granite rose des Côtes d’Armor, font partie du collier des granites rouges carbonifères qui s’étendent sur un axe ENE-WSW du Cotentin (Flamanville et Barfleur) au Finistère ( Aber Ildut, Morlaix) . Au centre de ce collier, ils sont réputés comme étant la perle la plus précieuse.(Charles Barrois 1909).
Ils forment un complexe annulaire centré, (M. Barrière 1977) modeste par ses dimensions (12km*8km de Ploumanac’h à Trébeurden) .
Au centre, le granite rose est « le plus jeune » parmi ses contemporains, « perle des perles ».

Ce sont des plutons granitiques tardi-hercyniens qui se sont mis en place à la fin du carbonifère ( 295MA +- 3 MA U/Pb sur Zircon, 2015, notice carte géologique Perros-Guirec) en dehors d’une orogène, au travers d’un encaissant formé par les orthogneiss de Trébeurden, le granite de Perros-Guirec et les cornéennes de l’Île Millau.
Leur installation s’est réalisée, de l’extérieur (le plus ancien) vers l’intérieur (le plus jeune) par trois injections successives de magmas de nature variée allant de roches acides à des roches basiques.
Aujourd’hui, environ 300 millions d’années après, nous avons sous les yeux un ensemble d’une beauté spectaculaire.
Il est intéressant de noter qu’un des plus jeune granite armoricain est intrusif dans les plus anciennes roches connues en France.

Ce sont les roches préexistantes à la montée du magma; traversées, en partie digérées, transformées au contact des injections, elles sont le témoin de la géologie avant l’installation de ce complexe annulaire.
On distingue trois grandes unités :

• Les orthogneiss de Trébeurden , de couleur allant du gris anthracite à des gris beige.
  Ce gneiss œillé d’origine granitique a été intensément déformé et métamorphisé ; on y observe des « yeux » de feldspaths au sein d’une intense foliation.
  Les gneiss du Ranolien gris, en contact direct avec le granite rose, recoupés de filons de dolérite et de granite rose à grains fins.
  Ces gneiss font partie des roches les plus anciennes affleurant en France ; ils ont été datés de l’Icartien à deux milliards d’années ( 2031MA +-30 MA, U-Pb-Zr , B. Auvray et al,1980) soit près de la moitié de l’âge de la terre.
• Le pluton granitique de Perros-Guirec ( B.Auvray et al 1979) de couleur grise.
  Ce batholite est composé de faciès variés, à gros grains, à grains fins, aplitique. Intrusif dans l’Icartien sa mise en place a été datée par la méthode U/Pb à 615 MA +-10 MA (P. Graviou et al 1988)
• Les cornéennes de l’Île Millau montrent des alternances de gris très clairs et de gris très sombres.
  Ce sont des lits de grès et d’argiles métamorphisés et déformés lors de la montée des granites du complexe de Ploumanac’h. Leur âge n’a pas été déterminé, ils sont antérieurs à l’intrusion du granite (295 MA).

Il est composé de trois unités concentriques qui sont par ordre chronologique et de l’extérieur vers le l’intérieur (Barrière,1976):

• L’unité 1 située à l’extérieur du complexe est composée d’un granite « rouge » à gros grains dit granite de la Clarté et granite des Traouiéros associés à des roches basiques.
• L’unité 2 est appelée série intermédiaire formée du granite de Canton, de couleur gris rosé à bleuté, à grains fins, et du granite de Woas-Wen de teinte blanc rose à grains fins.
• L’unité 3 , le granite de l’Île Grande de couleur bleue, à grains fins à très fins, située au cœur du complexe.

4.1 La Clarté et Traouiéros .

Le faciès de la Clarté est plus externe et celui des Traouieros plus interne ;la relation entre les deux types est graduelle.C’est une roche rose.
Ce sont des roches isotropes à gros voire très gros grains (porphyroïdes).
Composés de feldspath alcalins roses (microcline) plagioclase blanc (albite, oligoclase), quartz gris translucide , mica noir (biotite).
Le faciès des traouiéros est plus coloré avec un plagioclase vert et un feldspath rose.
Ils correspondent à des syenogranite et des monzogranites (classification de A.Streckeisen)

Des roches, très sombres,noires, isotropes (baie Sainte Anne à Trégastel) sont localement et intimement associées au granite de la Clarté. Ce sont des norites, gabbros, labradorites .Composées d’olivine, de bytownite, d’hypersthène d’amphibole, d’hornblende, de feldspath, de diopside, de biotite, d’andésine ,elles sont le témoin d’un magma basique d’origine mantellique.

4.2 Canton et Woas-Wen.

Il s’agit d’une zone intermédiaire intrusive dans l’ unité précédente.
De couleur grise à rose et bleutée, ils sont majoritairement isotropes à grains fins et à gros cristaux de feldspath (Canton).
Composés de feldspath alcalins roses (microcline) plagioclase blanc (albite, oligoclase), quartz , mica noir (biotite) et mica blanc (muscovite Canton).
Ils correspondent à des monzogranites (classification de A.Streckeisen).

4.3 L’Île Grande.

Cet ensemble constitue le cœur du complexe de Ploumanac’h, sous forme d’une cloche au centre de l’unité précédente.
On distingue deux entités ; l’une de couleur gris bleuté à bleu, et de couleur gris blanc à blanc au centre, l’autre externe,de teinte plus claire grise à blanche. Les grains sont de taille moyenne, parfois fine.
Composés de quartz, microcline, plagioclase (albite), biotite,(centre) muscovite,(externe).
Ils correspondent à des monzogranites et des leucomonzogranites (classification de A.Streckeisen).

Carte géologique simplifiée du pluton de Ploumanac’h d’après les travaux de M.Barrière, 1977.

Carte géologique simplifiée du pluton de Ploumanac’h d’après les travaux de M.Barrière, 1977.

4.4 Les enclaves, les concentrations intramagmatiques et les filons

Les enclaves et les filons sont des éléments géologiques différents de la roche qui les contient ou les recoupe. Ils ont un rôle primordial dans la reconstruction de l’histoire d’un ensemble géologique.

Les enclaves
Elles sont incluses dans l’unité qui les contient; ce sont les témoins des roches préexistantes à l’arrivée du pluton ; elles n’ont pas été totalement « digérées » par le magma en fusion. Elles sont donc postérieures à la mise en place de cette unité.
On observe des enclaves d’origine différentes : de l’encaissant sédimentaire, du batholite de Perros-Guirec, du Granite à gros grains, de Pegmatites.

Les concentrations intramagmatiques.
Des concentrations locales de certains minéraux au sein de la roche isotrope représentent une hétérogénéité dans le bouillon magmatique en cours de refroidissement.
Concentration de biotites, Schlieren.
Des structures très particulières liées à des cristallisation différenciées signent une spécificité apparue lors du refroidissement du magma.
Structure Rapakivi, Orbicules,Pegmatites.
Elles sont synchrones du magma en cours de refroidissement.

Les filons.
Les filons recoupent les unités qui les contiennent. Ils s’insèrent dans la roche à la faveur de diaclases qui apparaissent lors ou après le refroidissement du magma. Ils sont postérieurs à la mise en place du magma .
Gabbros, Kersantites, Granite intermédiaire à grain fin, Microgranodiorite, Micromonzogranite,Qartz,
Pegmatite.

Architecture.
La structure générale est celle d’un cône à section elliptique ou l’on distingue 3 unités emboîtées les unes dans les autres de l’extérieur vers l’intérieur (du plus ancien au plus jeune) :
Le granite rose à gros grains de La Clarté et des Traouiéros associés au gabbro de la baie Saint Anne à Trégastel.
Les granites intermédiaires rose à gris de Canton et WoasWen.
Le granite à grain fin bleuté à blanc de l’Île Grande.

La mise en place.(M.Barrière et Yves Cyrille)
Fracturation conique du socle formé des orthogneiss de Trébeurden, des gneiss du Ranolien ,du Batholite granitique de Perros-Guirec et des cornéennes de l’Île Millau qui permet l’intrusion d’un magma qui deviendra après refroidissement le granite rose.Cette première intrusion est accompagnée de roches basiques (famille des gabbros).
Cette première unité se fracture à son tour, permettant l’arrivée des granites intermédiaires.
Troisième fracturation de structure filonienne circulaire (« ring dyke ») qui recoupe les granites intermédiaires: c’est l’installation des granites de l’Île Grande.
Fracturation tardives qui permettent l’arrivée de filons de gabbro, de granite et de quartz qui recoupent l’ensemble des structures.

Coupe synthétique du pluton de Ploumanac’h selon travaux de M Barrière 1977

Les phénomènes d’érosion.
La lente cristallisation du magma en profondeur, suivie par sa rétraction entraîne l’apparition d’un réseau de fractures: les diaclases à partir desquelles une altération chimique se produit par l’infiltration des eaux météoriques. Une érosion mécanique dégage ces arènes granitiques en surface provoquant la formation de boules et d’un chaos.  

 Ainsi, lorsque le granite apparaît en surface quelques millions d’années plus tard, alors que les terrains superficiels ont été décapés par l’érosion, ces diaclases qui découpent la roche en différents blocs canalisent la circulation des eaux de ruissellement. Ces dernières provoquent par conséquent l’altération chimique et l’érosion mécanique de la roche qui se désagrège en surface mais également le long des fractures.

Schéma de l’altération en boule d’un granite.

Les blocs s’arrondissent alors et s’individualisent progressivement.

Dans les diaclases, l’arène qui résulte de la décomposition de la roche est constituée de nombreux grains de quartz à peine corrodés, de quelques cristaux de feldspaths plus ou moins altérés , de  rares paillettes de micas très dégradées et de minéraux argileux.

Cette arène est progressivement évacuée, sous l’action des eaux de ruissellement, du vent, ou de la mer sur le littoral, tandis que les blocs s’écroulent par gravité pour former des chaos ou des rochers isolés.

Ils émergent aujourd’hui de la lande avec parfois des formes étranges !

Quelques particularités géologiques.
Le plus jeune granite armoricain intrusif dans les plus anciennes roches affleurant en France.
Un complexe de 3 plutons emboîtés de forme elliptique de petite dimension (12km*8km).
L’Association de deux magmas, l’un acide et l’autre basique.
La présence de structure Rapakivi.
La cristallisation orbiculaire.
Une érosion spectaculaire.